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Les concerts et festivals : vers des événements plus écologiques ?

Il fait chaud, il fait beau, j’entends de mon bureau les oiseaux chanter… et les enceintes résonner !

Ça y est, l’été est de retour, et toutes les sorties musicales avec lesquelles il rime : concerts, open air et festivals, tous les prétextes sont bons pour se retrouver devant son groupe préféré, une ecocup remplie de bière tiède à la main !

La TrattiTeam adore la musique et la fête, alors on s’est demandé quel pouvait bien être l’impact d’un festival de musique sur l’environnement. De plus en plus de festivals et artistes se revendiquent comme écologiques, et organisent des événements ancrés dans une démarche respectueuse de notre planète. Il suffit de faire quelques kilomètres pour profiter du Woodstower, au parc Miribel Jonage à Lyon, un précurseur dans le domaine des festivals écoresponsables…

Mais, écologique, le sont-ils réellement ? Et, de façon plus générale, en quoi un festival de musique est-il polluant ?

LA POLLUTION ENGENDRÉE PAR LES ARTISTES ET LES FESTIVALS

Dans un méga événement comme un festival, les sources de pollution sont nombreuses, mais pas forcément celles auxquelles on s’attend. Pour ne pas s’éparpiller, nous nous concentrerons dans cet article sur les festivals “nationaux”.

On se doute que les festivals internationaux, gigantissime, sont ultra polluants (il suffit de penser à Coachella, un festival mis en place… dans un désert), et il est compliqué d’y participer en limitant son empreinte carbone. À l’inverse, les petits festivals régionaux ont beaucoup moins d’impact. Bien que polluants, leurs conséquences restent légères compte tenu de leur rayonnement.

À titre d’exemple, cet article pourrait s’appliquer dans le cas de festivals comme : les Vieilles Charrues, les Eurockéennes, les Solidays ou le Woodstower.

L'ennemi de l’écologie : les transports !

Que ce soit pour les grandes occasions sportives, les parcs d’attractions ou le défilé du 14 juillet, la source principale de pollution est toujours la même : les transports. Et les festivals n’échappent pas à cette règle !

Le rapport Décarbonons la culture ! de The Shift project permet de mieux appréhender ce qui émet le plus de tonnes en équivalent CO2 dans les grands festivals. Sur le podium, loin devant les autres facteurs polluants, on retrouve le transport des festivaliers.

Pour un festival d’une taille équivalente aux Vieilles Charrues, réunissant environ 280.000 personnes, les moyens de locomotion des festivaliers représentent la moitiés des émissions de CO2. Par ailleurs, l’hypothèse soutenue par le groupe d’étude considère que 3% des participants viennent en avion. À eux seuls, ils représentent 60% du CO2 émis par les festivaliers.

Pour un festival national, auquel il est théoriquement possible de se rendre en voiture, train ou bus, le choix de l’avion est le pire, rien d’étonnant là dedans. S’il y a une chose à retenir de ces chiffres, c’est qu’un événement auquel personne ne viendrait en prenant l’avion serait déjà bien plus responsable, avec quasiment 30% d’émissions de CO2 évitées.

Qu’en est-il des artistes ?

C’est beau de parler des festivaliers, mais sont-ils les seuls responsables ? Les dizaines de semi-remorques accompagnant les artistes ont été au cœur de plusieurs polémiques, et on se doute qu’ils ne roulent pas à l’aide de panneaux solaires, alors mesurons leur impact.

Toujours dans cette même étude de The Shift project, le transport des artistes n’atteint “que” la 5ème place du podium de la pollution en festival. Leur impact est 10 fois moindre que celui des festivaliers, pour 500 fois moins de personnes.

On est d’accord, c’est trop, l’avion est toujours en cause : plus de 80% de leur pollution est dû aux artistes venant par voie aérienne. Ces chiffres sont plus simples à relativiser puisque de nombreux artistes font le tour du monde dans le cadre de tournées internationales, ce qui est difficile (voir impossible) en train. Cela témoigne juste d’une industrie musicale qui n’est, malheureusement, pas encore adaptée aux enjeux environnementaux de demain.

Il ne s’agit, pourtant, pas de la source principale de CO2 émis par les artistes et leurs équipes. Sur la 2ème place du podium de la pollution en festival se trouve tout ce qui les accompagne : leurs œuvres (matériels), et surtout la pollution induite par leur acheminement sur place. La venue du matériel, en véhicule léger pour les petits artistes, ou en semi-remorques et avions pour les autres, correspond quasiment à un quart des émissions de CO2 du festival.

Cette fois, en supprimant l’avion, 75% des émissions de CO2 liées au transport du matériel seraient évitées.

La consommation sur place

En rédigeant cet article, la première image qui m’est venue en tête est celle d’un camping dont le sol est jonché de verre en plastique, de tentes abandonnées et de mégots suite à un festival. Alors oui, ça pollue, en particulier la faune et la flore locale, mais beaucoup moins que l’on peut le croire !

Contrairement à la pollution “invisible” dûe aux transports, les déchets sont presque toujours triés et jetés à la suite du festival, ce qui réduit significativement leur impact. Si ça n’avait pas été le cas, ils seraient probablement sur notre podium de la pollution.

En revanche, une source de pollution dont l’on ne se doute pas forcément, c’est l’alimentation et les boissons. À eux deux ils représentent environ 3.000 tonnes de CO2 émis pour un festival de 280.000 personnes, soit près de 20% du total. En cause, la viande, qui est présente dans la grande majorité des plats proposés dans ce genre d’événement (99% de l’impact carbone de l’alimentation). Le CO2 émis lors de sa production se répercute sur le bilan carbone des festivals.

Enfin, la consommation d’énergie sur place est ridicule comparativement aux autres sources de pollution, 60 à 70 tonnes. La réduire est préférable, mais on parle de 0,5% de la pollution émise par un festival d’envergure nationale, le bilan ne s’en trouvera pas plus “vert”.

Une source de pollution rarement évoquée est la pollution sonore. Trop peu d’études ont été faites sur le sujet pour la traiter dans notre article. Pourtant, celle-ci participe à la perturbation des écosystèmes locaux. Les bruits dus au festival poussent les animaux et insectes à s’éloigner de la zone, ce qui se ressent dans le développement de la faune locale une fois le festival terminé.

LES AVANCÉES VERS DES ÉVÉNEMENTS PLUS RESPONSABLES ET RESPECTUEUX DE LA PLANÈTE

Il y a beaucoup de travail à faire avant d’aboutir à des festivals responsables, inscrits dans une démarche de développement durable.

Il convient de se concentrer sur le “podium de la pollution”, à savoir le transport des festivaliers, des artistes et de leurs équipes (dont le matériel), ainsi que l’alimentation et les boissons pour réduire grandement l’impact environnemental des festivals.

Les artistes et festivals qui font bouger les choses

Ce n’est pas une nouveauté que l’industrie musicale pollue, mais heureusement des artistes et organisations se sont déjà emparés du sujet.

Les plus connus sont probablement Coldplay, qui annonçait en 2019 renoncer à promouvoir son nouvel album, “Everyday Life”, préférant attendre de pouvoir réaliser une tournée mondiale plus respectueuse de la planète (léger paradoxe me direz-vous).

En 2022, ils reviennent avec de nouvelles technologies et entament leur tournée : batterie de spectacle mobile, rechargeable et recyclable, sol cinétique pour convertir les mouvements en énergie, tuiles solaires… et trajets en avion transcontinentaux.

Le groupe l’avait lui même dit, concernant l’avion, ce serait “compliqué”. Afin de réduire leur empreinte carbone, le groupe a financé la plantation de millions d’arbres, pour compenser. Malheureusement, comme le pointent du doigt de nombreuses ONG, la compensation n’est pas la solution, et est trop souvent utilisée comme argument.

Malgré tout, le fait qu’un groupe au rayonnement international mette en avant l’environnement dans son discours ne peut que faire avancer les choses, et permettra peut-être de faire évoluer l’industrie musicale petit à petit.

Coldplay n’est pas le seul groupe à s’être engagé pour une industrie musicale plus verte. En France, on pourrait qualifier de leader du mouvement Shaka Ponk, à l’origine du collectif “The Freaks”, regroupant des artistes et personnalités désireux d’améliorer leur impact sur l’environnement. On y retrouve Soprano, Zazie, ou Nagui, entre autres.

Le groupe britannique Massive Attack à, lui, lancé un partenariat avec le “Tyndall Centre for Climate Change Research”. Leur objectif est de créer un plan d’actions pour restructurer l’industrie musicale suite aux accords de Paris (COP 21). Leur tournée (en train !) devait avoir lieu en 2022, l’occasion de concilier écologie et musique, mais a malheureusement été annulée pour des raisons de santé.

Et comment ne pas parler de We love Green ? Inauguré en 2012, il est l’un des premiers festivals à avoir été créés spécialement pour chanter notre amour à la planète (enfin, pas littéralement, mais on se comprend) !

Précurseur sur la totalité des sujets abordés précédemment dans cet article, c’est l’exemple à suivre. Pour citer quelques unes des initiatives mises en place : 

  • 100% du festival est alimenté en énergie renouvelable,
  • 100% des déchets sont triés,
  • Optimisation des transports,
  • Situé dans Paris pour éviter aux festivaliers de prendre la voiture,
  • Restaurations Bio et locale,
  • Scénographie recyclée…

Il reste compliqué de savoir si les artistes et festivaliers ne se rendent pas à Paris en avion, ce qui augmenterait énormément l’empreinte carbone de We Love Green.

Comment évoluer vers des festivals plus responsables

Alléluia, The shift project ne s’est pas contenté de décrire ce qui n’allait pas dans les festivals, mais a rédigé un rapport complet sur la façon dont ils pourraient s’améliorer pour être plus responsables. Pour cela il nous propose plusieurs scénarios qui, en les appliquant, permettrait de réduire drastiquement leurs émissions de CO2.

À noter que, dans un monde idéal, chaque spécificité de chaque scénario devrait être appliquée pour arriver aux résultats qu’ils démontrent. Gardez en tête que la théorie sera toujours plus simple que la pratique, alors si vous êtes un organisateur de festival, inspirez-vous de ce qui va suivre, mais nous avons bien conscience que ce ne sont pas des changements qui peuvent être opérés en quelques mois.

Le scénario 1 était celui détaillé précédemment dans cet article, lorsque nous abordions le CO2 émis par l’arrivée des festivaliers, le transport des équipes des artistes et leur matériel, l’alimentation, etc.

Scénario 2 : inclusion de mesures de décarbonisation positives → 20% de CO2 émis en moins.

Nous sommes toujours dans notre festival de 280.000 personnes, semblable aux Vieilles Charrues. Cette fois, ils souhaitent réduire leur empreinte carbone dans une démarche de développement durable.

Dans un premier temps, pour ce qui est du transport des festivaliers, il faut encourager un maximum de personnes à pratiquer le covoiturage. Pour que cette mesure ait un réel impact, on estime le nombre de passagers à 3 par voiture.

L’alimentation doit être 100% Bio, végétarienne et locale. Ainsi, les émissions de CO2 liées à la production de viande seront éliminées, et les distances liées à l’acheminement sur place réduites.

100% de l’énergie consommée sur place doit provenir d’un même fournisseur, et être “verte”.

L’utilisation du plastique à usage unique est prohibée, et les ecocup seront non floqués (pour éviter que les festivaliers les ramènent chez eux). Enfin, tous les déchets produits doivent être recyclés.

L’ensemble de ces mesures permettrait l’économie de 3.000 tonnes de CO2, soit un passage d’environ 15.000 tonnes d’équivalent CO2 émisent à 12.000 tonnes.

Scénario 3 : inclusion de mesures dites “offensives” et “défensives” → 48% de CO2 émis en moins.

Les organisateurs de ce même festival souhaitent réduire encore davantage leurs émissions de CO2. Cette fois la tâche devient vraiment ardue, et c’est toute l’organisation du festival qui doit être réfléchie différemment.

65% des festivaliers doivent se rendre au festival en train et/ou transports en commun. Pour cela, le réseau de transports en commun doit être amélioré, quitte à modifier la localisation du festival pour qu’elle soit plus avantageuse, comme c’est le cas pour We Love Green.

Les clauses d’exclusivité territoriale doivent être supprimées pour pouvoir mutualiser un maximum les tournées des artistes étrangers, et ainsi réduire les distances parcourues entre chaque date (et donc l’utilisation de l’avion par manque de temps).

En bref, la clause d’exclusivité limite les artistes : bien que les artistes facturent généralement l’inclusion d’une clause d’exclusivité territoriale très chère, elle permet aux festivals ayant les moyens de les avoir “seulement pour eux” sur un territoire donné (généralement régional ou national). Dans le cadre d’une tournée, lorsque les dates sont proches dans le temps, ils sont obligés de prendre l’avion pour rejoindre leurs prochaines dates, souvent très éloignées pour respecter la clause.

Le transport des équipes doit s’effectuer en train, comme voulait le faire Massive Attaque, plutôt qu’en tourbus. Cette mesure est difficilement applicable lorsque les dates sont très serrées dans le temps.

D’autres mesures, longues à expliquer sans allonger cet article de plusieurs centaines de lignes, sont recommandées. Pour en savoir plus, je vous renvoie une nouvelle fois vers le rapport Décarbonons la culture ! de The Shift project.

Finalement, ce ne sont pas tant les festivals eux-mêmes qui sont polluants, du moins pour ceux que nous avons étudiés, mais toutes les externalités négatives qui en découlent. 

Ces externalités sont au cœur de la démarche écologique. Entre externalités négatives “noyées” tant bien que mal et externalités positives trop peu communiquées et comprises du grand public, ces conséquences indirectes souvent très puissantes feront l’objet d’un prochain article sur notre Blog. 

Bien qu’ils puissent travailler sur l’alimentation et les boissons qu’ils proposent, l’énergie utilisée ou de meilleurs réseaux de transports en commun, vous pouvez également agir. Se rendre sur les lieux en covoiturage, faire attention à vos déchets sur place, ou privilégier les festivals proches de chez vous contribue déjà à réduire l’empreinte carbone de ces grands événements !

L’industrie de la musique tend à devenir plus verte grâce à l’engagement de certains artistes et personnalités, mais cela se limite encore à des initiatives individuelles. Espérons que les initiatives se multiplient, sans quoi, une prise de conscience générale semble difficile.

Mathis Bevalot

Chargé de communication digitale en alternance

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