Les Jeux Olympiques d’hiver de Pékin sont lancés !
Organisés dans la station de Yanqing, localisée dans l’une des régions les plus sèches de Chine, ils se déroulent sur une neige 100% artificielle grâce à 354 canons à neige pour maintenir des pistes uniformes.
Quand certains dénoncent une aberration, le comité d’organisation ainsi que de nombreux athlètes défendent cette pratique, selon eux fondamentale suite au réchauffement climatique…
Ce sont quelque 185 millions de litres d’eau (au jour d’ouverture des JO) mis à contribution sur l’ensemble des sites olympiques, dans le seul but de produire cette neige artificielle. Les canons nécessaires à sa production sont alimentés à l’aide d’électricité d’origine renouvelable, est-ce un argument suffisant pour justifier la consommation titanesque d’eau qu’engendrent ces jeux ?
Pékin assure que les millions de litres d’eau acheminés jusqu’aux sites des épreuves ne compromettent pas sa promesse de jeux écologiques…
Mais s’ajoutent à l’eau plus de 20.000 arbres abattus dans cette réserve naturelle pour la mise en place d’un domaine skiable. Le Comité Olympique de Pékin s’est engagé à les replanter ailleurs, ainsi que 81 hectares de terre végétale.
Espérons que les promesses soient tenues, et la biodiversité préservée même si nos doutes semblent malheureusement légitimes.
Dans une époque où l’urgence climatique est au cœur des débats, il est important et normal de se demander quel est l’impact de ces jeux sur l’environnement. Qu’engendre l’arrivée de dizaines de milliers de spectateurs sur un territoire ? Comment sont mises en place toutes les infrastructures nécessaires au bon déroulement des jeux ? Et que deviennent-elles après ?
Retournons quelques années dans le passé.
LES MESURES PRISES PAR LE CIO* EN FAVEUR DE JEUX PLUS DURABLES
*Comité International des jeux Olympiques
Les “méga événements” tels que les JO ou les coupes du monde de football ont toujours été source d’engouement. Les pays du monde entier réunis derrière leurs sportifs, les supporters désireux d’encourager leurs représentants … Par delà le sport, on retrouve une symbolique et des valeurs fortes : partage, dépassement de soi, détermination, tolérance, respect. Bien que l’aspect économique joue dans la prise en charge de l’organisation des jeux, l’image qu’ils véhiculent est de loin la première raison qui pousse les États à vouloir les prendre en charge.
Depuis 1990, des mesures sont prises en vue de Jeux plus responsables et durables, en commençant par le partenariat avec le programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Des efforts ont pu être observés depuis les JO d’hiver organisés à Vancouver en 2010, dont nous reparlerons un peu plus bas.
Atteindre la neutralité carbone fait partie des objectifs principaux du CIO, appuyés et rendus crédibles par les différentes initiatives dont il a fait preuve. La construction de la Maison des jeux (siège du CIO) certifiée selon des normes de durabilité reconnues à l’international est un exemple de bonne volonté.
D’ici 2024, le comité d’organisation des jeux olympiques (COJO) de Paris a pour projet d’organiser des jeux, non pas neutres en émissions de CO2, mais ayant un impact positif sur le climat ! Cet idéal est difficilement imaginable, surtout au regard des précédentes tentatives de jeux verts, mais le projet semble solide (si vous voulez en savoir plus, ça se passe ici).
Pour concrétiser ce souhait, le CIO s’est engagé dans le programme de développement durable à l’horizon 2030 de l’Organisation des Nations unies (ONU), en vigueur depuis le 1er janvier 2016. D’ambitieux objectifs ont été fixés d’ici là :
- Un palier basé sur 18 objectifs à atteindre pour 2020 a été mis en place, parmi lesquels la réduction des quantités de déchets, la facilitation de l’accès à des organisations expertes compétentes pour élaborer des lignes directrices et des solutions innovantes, etc. 15 objectifs sur les 18 ont été atteints.
- Arrivés en 2020, 17 nouveaux objectifs ont été fixés et devraient voir le jour de 2021 à 2024. Le rapport est disponible ici.
Malgré les efforts du comité international des jeux, réussir à organiser des jeux durables reste une tâche ardue. Nombreuses sont les variables sur lesquelles on ne peut pas intervenir, telles que la venue des athlètes/touristes en avion, l’entretien des structures et du village des athlètes après l’événement, ou encore profiter de conditions météorologiques idéales pour les jeux d’hiver.
ENTRE EFFORTS ET BÂCLAGE : LES PRÉCÉDENTES ÉDITIONS
Des mesures concrètes ont été prises et médiatisées depuis les Jeux de Vancouver. Nous avons assez de recul sur ces événements pour déterminer si les efforts faits par le CIO ont eu de réelles répercussions sur l’impact environnemental des Jeux.
Revenons sur ceux organisés de 2010 à 2018.
Jeux Olympiques d’Hiver, Vancouver (Canada), 2010
Premiers JO qualifiés de “verts” pour lesquels de nombreuses mesures ont été mises en place : des infrastructures en bois de pins recyclé, des bâtiments chauffés à l’aide d’énergies renouvelables, un système de récupération d’eau de pluie pour les toilettes, une marre dans laquelle les plantes peuvent puiser l’eau nécessaire à leur bon développement.
La majorité des constructions étaient vouées à être réutilisées : les appartements de l’immeuble du village olympique sont vendus après les jeux, certains bâtiments utilisés en tant que salle de sport …La neutralité carbone aurait pu être atteinte, notamment grâce à la mise en place de transports en commun pour les visiteurs fonctionnant à l’aide de piles à combustible à l’hydrogène. Même la fabrication des médailles, à l’aide de matériaux recyclés, a été réfléchie !
Mais c’était sans compter un grand nombre d’embûches…
La météo n’a pas été au rendez-vous, la pluie se substituant à la neige.
Cet imprévu a donné lieu à d’innombrables allers retours en avions et hélicoptères afin de fournir la neige nécessaire.
L’hydrogène nécessaire au bon fonctionnement des bus a été importé du Québec, à “seulement” 50 heures de transport.
D’autres éléments ont été pointés du doigt par des associations, notamment la construction d’une autoroute entre Vancouver et Whisper qui n’était pas estimée comme nécessaire.
Bilan : 268.000 tonnes de CO2 contre 150.000 annoncées (des chiffres qui restent tout de même peu précis).
Jeux Olympiques d'Été, Londres (Angleterre), 2012
Probablement les jeux les plus “durables” de la décennie.
La majorité des infrastructures utilisées étaient déjà construites, celles qui ne l’étaient pas sont encore entretenues et utilisées aujourd’hui. Dans le même temps, 2.000 arbres ont été plantés, donnant naissance à un parc naturel (Queen Elizabeth Olympic Park) de 150 hectares pour les locaux.
Ajoutez à cela 98% de déchets recyclés, et vous obtenez sans doute les Jeux les plus propres du 21ème siècle.
Au total, 3.5 millions de tonnes de CO2 émis dans l’atmosphère*, la neutralité carbone est encore loin d’être atteinte.
*les émissions de CO2 pour les jeux d’hiver et d’été ne sont pas comparables, attention à ne pas mettre en corrélation leurs résultats
Jeux Olympiques d'Hiver, Sotchi (Russie), 2014
Il suffit d’énoncer les chiffres pour juger du désastre écologique qu’ont représenté ces jeux. Sotchi, c’est :
- 14 jours de compétition
- 400 kilomètres de routes construites
- 70 ponts & 12 tunnels construits
Vous noterez l’organisation de jeux d’hiver dans une station balnéaire au climat comparable à Marseille, pour un bilan de 360.000 tonnes de CO2 émis. Ne parlons pas des initiatives écologiques, qui ne représentent rien comparativement aux mesures prises lors des jeux de Vancouver et Londres.
Cette édition montre que l’engagement du CIO en faveur de jeux durables est une bonne chose, néanmoins il est vital que le comité d’organisation des jeux olympiques du pays d’accueil soit sur la même longueur d’onde.
Jeux Olympiques d'Été, Rio (Brésil), 2016
Les jeux de Londres nous ont démontré qu’il est possible de tendre vers des événements internationaux plus respectueux de l’environnement, alors qu’en est-il pour le Brésil ?
On parle ici de 3,6 millions de tonnes de CO2 émis, soit la même chose qu’à Londres à 0,1 million près.
Sur le papier, la dépollution de la baie de Guanabara, de plusieurs lacs et une édition neutre en carbone était annoncée. La plantation de 24 millions d’arbres devait permettre de concrétiser ces objectifs.
Dans les faits, ce sont seulement 5,5 millions d’arbres plantés, un golf construit dans une zone naturelle protégée puis abandonné (faute de personnel pour l’entretenir), une ville envahie d’infrastructures délaissées et vandalisées, la baie de Guanabara qui en ressort plus polluée et dangereuse que jamais…
Le COJO n’a tenu aucune de ses promesses qui auraient peut-être permis des jeux “durables”…
DES JEUX OLYMPIQUES DURABLES : QUELS BILANS ?
Des efforts non négligeables sont faits par le CIO depuis 1990, intensifiés en 2016.
Pour le moment, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes.
Un avenir plus vert, durable dans l’organisation des futurs Jeux Olympiques semble se dessiner, mais nécessite une parfaite synergie entre les différents acteurs de leurs organisations.
CIO, COJO et spectateurs devront agir ensemble pour concrétiser les objectifs définis par le Comité International Olympique, ce qui devrait être en bonne voie pour les JO de Paris en 2024.
D’ici là, voyons si Pékin tiendra ses promesses, ou s’il s’agit (encore une fois) de faux semblant…